Après le rejet de la loi sur l’e-ID dans les urnes par les électeurs suisses, de nouvelles solutions doivent être trouvées. La nécessité d’une e-ID pour la Suisse reste incontestée.
Le 7 mars, la Suisse a rejeté une proposition de loi pour la mise en place d’une e-ID. En tant que fondation des hautes écoles suisses neutre et indépendante, SWITCH possède plus de 20 ans d’expérience dans le domaine des identités électroniques et a participé au processus visant à instaurer une e-ID. Rencontre avec Christoph Graf, responsable du programme SWITCH edu-ID, à propos des prochaines étapes menant à la création d’une e-ID pour la Suisse et du rôle de SWITCH dans ce processus.
Christoph Graf: Selon notre perception, il existe un large consensus sur le fait que la Suisse a besoin d’une e-ID. Le «non» du peuple suisse le 7 mars n’est donc pas un rejet de l’e-ID, mais un refus de la proposition de mise en œuvre concrète prévue par la loi. La répartition envisagée des rôles entre l’État et les acteurs privés a été jugée comme mal équilibrée. La critique portait principalement sur le fait que des activités considérées comme relevant de la souveraineté auraient été déléguées à des entreprises privées.
Bien évidemment, je ne vois pas dans ce verdict un simple vote de défiance à l’égard du secteur privé, mais plutôt l’expression de la conviction que ces tâches souveraines doivent rester à la charge de l’État – et que l’État est tout à fait capable de les accomplir.
Le large consensus sur le fait que nous avons besoin d’une e-ID est une bonne base pour un nouveau départ. Le peuple a également fixé un autre objectif: l’État doit accomplir ses tâches souveraines. Cela peut nous servir de repère. Contrairement à la Suisse, d’autres États proposent depuis des années une e-ID à leurs citoyens. Nous pouvons le regretter, mais voyons cela plutôt comme une opportunité: nous n’avons pas à nous soucier de problématiques héritées du passé et pouvons nous orienter sur des principes modernes. Cela nous permet de placer l’autosouveraineté numérique, la protection des données, la confiance et la volonté d’innover de manière beaucoup plus radicale au centre du processus – au service de la société. C’est l’opportunité de la «feuille blanche». Saisissons-la!
Une solution viable ne peut émerger que si nous travaillons ensemble, au-delà des disciplines et des communautés, et développons des solutions consensuelles sur cette base. Il est primordial que nous définissions clairement les tâches que devra accomplir l’e-ID. Ce n’est que sur cette base qu’une architecture de mise en œuvre appropriée peut être développée avec des composants gérés par l’État et le secteur privé et qu’une évaluation ultérieure de la réussite pourra être effectuée.
La promesse fondamentale de l’e-ID est que des attributs validés par l’État pourront être divulgués aux services demandeurs d’une manière contrôlée par l’utilisateur et, dans la mesure du possible, sans restriction – tout comme nous utilisons la carte d’identité en mode analogique. Elle devrait également permettre d’accéder aux services d’e-gouvernement sans aucun autre moyen auxiliaire. La question de savoir si des domaines d’application supplémentaires doivent être envisagés doit être clarifiée avec beaucoup de rigueur et en consultation avec les parties prenantes concernées. La prochaine tentative de mise en place d’une e-ID ne devra pas échouer en raison d’une surcharge d’éléments ou de différends en dehors des promesses de base. Là encore, faisons le parallèle avec le monde analogique: nous ne pouvons ou ne voulons pas nous identifier avec la carte d’identité dans tous les cas.
SWITCH possède plus de 20 ans d’expérience dans la gestion fédérée des identités à travers les organisations. Nous travaillions déjà sur ce sujet quand très peu de gens savaient de quoi il était question. Toutes les hautes écoles sont désormais engagées ensemble sur la voie de la migration vers SWITCH edu-ID. Ce dernier s’est imposé comme la nouvelle norme en matière de connexion universellement utilisable pour les services proposés dans le milieu des hautes écoles. Il existe actuellement près de 500 000 SWITCH edu-ID. Avec le passage aux identités centrées sur les utilisateurs, SWITCH a travaillé encore beaucoup plus étroitement avec les responsables de la gestion des identités des hautes écoles ces dernières années, en aidant à l’intégration dans les processus organisationnels et les cas pratiques de gestion des identités.
Depuis 30 ans, SWITCH exploite et coordonne également en Suisse une infrastructure critique pour les noms de domaine .ch. La protection des données by Default et by Design était une exigence importante dans les deux cas et constitue pour nous une évidence. En outre, SWITCH exploite et coordonne depuis 30 ans en Suisse une partie d’une infrastructure d’identification des noms de domaine répartie et fédérée au niveau mondial. Les noms de domaine revêtent une importance capitale pour toutes les solutions de sécurité et la protection des données. SWITCH veut garantir que ces aspects soient pris en compte de manière adéquate et puissent profiter à notre e-ID. En tant que registre de l’extension «.ch», SWITCH exerce une activité réglementée par l’Office fédéral de la communication. SWITCH ne représente aucun intérêt commercial. En notre qualité de fondation neutre et indépendante, nous sommes voués au seul objectif de la fondation.
SWITCH voit du potentiel dans un lien étroit entre SWITCH edu-ID et une e-ID, qui permettra aux utilisatrices et utilisateurs de s’identifier sans aucune ambiguïté auprès de SWITCH. En raison de cette importance centrale de l’e-ID pour la communauté de formation, de recherche et d’innovation en Suisse, SWITCH a déjà participé à l’élaboration du projet de loi sur l’e-ID et elle continuera à s’impliquer également à l’avenir. De plus, la collaboration avec des fournisseurs d’identité établis est un énorme atout pour introduire une e-ID dans les meilleurs délais. SWITCH a pour ambition de partager avec des cercles élargis l’expérience acquise lors de la mise en place de SWITCH edu-ID ainsi que son rôle de pionnière développée dans le secteur des hautes écoles afin de contribuer à façonner, en tant que partenaire, notre monde numérique dans l’intérêt de la société.